QUI SOMMES NOUS ?

Nous sommes :

descendants directs, petits-enfants ou arrières-petits-enfants,  conjoint-e-s de familles de combattants ou exilés Espagnols Républicains en France, désireux de perpétuer leur mémoire.

La Chronique du Président   1

EL SABER NO OCCUPA LUGAR

 (LE SAVOIR NE PREND PAS DE PLACE)

Quelques lignes de l’actuel Président José-Manuel MOLINA ALCALDE

SALUDOS A TODOS

C’est une fierté et un honneur en tant que petit-fils de Républicain espagnol et résistant de présider l’Association AMCERE11.

Il est important de savoir d’où l’on vient pour mieux savoir qui nous sommes, comme il est nécessaire de savoir dans quel monde ont vécu les nôtres pour mieux comprendre celui dans lequel nous vivons.

Ne pas connaître ses ancêtres, leurs parcours, ne pas connaître ses origines, leurs terres natales ou adoptives, c’est comme un ruisseau sans source, un arbre sans racines…

L’exil massif de plusieurs centaines de milliers de Républicains espagnols fin janvier début février 1939 a marqué, marque et marquera des empreintes indélébiles dans l’histoire de notre département : l’Aude, de nos régions méridionales, et de notre pays, contribuant ainsi à enrichir, à forger l’hétéroclite culture, patrimoine, histoire et identité de la France et de son peuple.

Être contraint de quitter, de fuir pour une question de survie sa terre natale, celle de ses ancêtres, ses attaches familiales et matérielles qui, elles restent, est un véritable crève-cœur, une blessure profonde, une plaie qui marque à vie le corps et l’esprit, et qui même avec le temps ne cicatrisera jamais.

Acculés, aux abois, poussés dans leurs derniers retranchements contre les barrières-frontières pyrénéennes. Fuyant les affres de la guerre et la mort programmée par la sanglante vindicte des armées fascistes de Franco pour qui la victoire ne peut être complète que par l’éradication de l’idéologie républicaine « rouge » ou faute de pouvoir tuer les idées, par l’élimination des vaincus civils et militaires ; les armées rebelles séditieuses dirigées par des officiers félons connus pour leur cruauté et leur haine antirépublicaine sont décidées à exterminer « la semence révolutionnaire jusque dans le ventre des mères ». La maxime de l’un des plus vicieux d’entre eux (G. Astray) était : « À bas l’intelligence, vive la mort ». Franco dira : « qu’il est prêt s’il l’estime nécessaire à fusiller la moitié de l’Espagne. »

Il y a de tout ! De tout et partout ! De surcroît il fait froid, très froid ! Un vent glacial accentue le ressenti et ralentit la pénible progression d’une immense et interminable fourmilière humaine qui se presse vers les postes frontières du pays des droits de l’homme, des libertés, de l’égalité et de la fraternité.

Tous les accès sont saturés, routes, chemins, sentiers montagneux, lisières de bois et proches vallées sont encombrés dans un désordre pitoyable et indescriptible d’automobiles, camions, bestiaux, charrettes, mules et chevaux chargés à la va vite de maigres biens. La plus grande partie de ces milliers de réfugiés sont à pied, femmes, enfants, vieillards, blessés, handicapés mutilés, tous épuisés physiquement, accablés moralement, les visages fiévreux à la fois terribles et poignants sont marqués creusés par la faim, la fatigue, la désolation, le désespoir… Tous, portent en eux les stigmates de la plus grande souffrance et misère qui puisse être : celle de la guerre qu’ils ont subie et vécue presque trois années durant… commencée en juillet 1936. Quelques jours après l’exode civil, des milliers de soldats républicains suivront…

Des milliers ne reviendront pas fauchés par la mort dans les camps ou victimes de la haine terrifiante et meurtrière, de régimes autoritaires sanguinaires et destructeurs que sont le nazisme et le fascisme.

Des milliers aussi après-guerre ne reviendront pas, par choix ou malgré eux parce que compliqué voire dangereux ou tout simplement parce qu’ils ont refait leur vie en France, s’acclimatant, s’intégrant, se fondant discrètement dans toutes les classes de la société, du peuple et du pays qui les avait accueillis. Des hommes et des femmes amoureux de la liberté, insoumis, qui refusaient de courber l’échine, de s’incliner par force ou par crainte de subir la doctrine dictatrice franquiste oppressante, répressive et privatrice de libertés et d’épanouissement.

Un régime fasciste qui bâillonna la liberté même de penser, de s’exprimer et qui continuera à emprisonner, torturer, fusiller et garrotter, pendant quarante années durant, tout éveilleur de conscience potentiel et semeurs de troubles ou supposés dangereux individus sympathisants opposants « rouges » et républicains.

Nous sommes, en France, plusieurs centaines de milliers de citoyens français à porter un nom d’origine espagnole, auquel il faut rajouter quelques milliers de plus, ceux qui, par mariage, arrières grands-mères, grands-mères, mères ne portent plus sur leurs papiers d’identité le nom d’une partie de leurs racines.

Combien de réfugiés passèrent la frontière en 1936-39 ? 450 000, 500, 600 000 ? Impossible d’avoir un chiffre exact. A vrai dire à quelques milliers près, peu importe, d’autant plus que beaucoup, des milliers retournèrent au pays ou émigrèrent vers d’autres horizons. Combien ont émigré massivement en Europe et notamment en France depuis le 19ème siècle puis au cours des années 1920-1930 ? Selon le recensement officiel de mars 1936, 253 600 espagnols résidaient en France (sûrement plus) travaillant essentiellement pour la majorité dans l’agriculture et les travaux publics. Au milieu des années 30, plus de 200 000 français naturalisés étaient d’origine espagnole. Combien d’individus, hommes, femmes, enfants, dans les années 1950-60-70 ont fui la dictature franquiste pour rejoindre leurs proches installés en France qui eux-mêmes avaient fui avant, pendant et après la guerre d’Espagne ? Une autre estimation donne comme chiffre que la communauté espagnole, hors naturalisés, avoisinait dans les années 1960-70 les 750 000 personnes. Quoiqu’il en soit, en réalité cela n’a pas grande importance. Rentrer dans une bataille de chiffres n’a aucun intérêt car à partir d’un certain nombre, la marge d’erreur est automatiquement grande.

Ce qui est important, c’est de faire découvrir et transmettre aux jeunes générations ou tout simplement de rappeler, à ceux qui ont la mémoire courte, sélective, voire défaillante, ce qui s’est passé car el saber no occupa lugar (le savoir ne prend pas de place), pero si occupa tiempo, mucho tiempo (mais il prend du temps, beaucoup de temps).

Nous reviendrons à travers d’autres articles sur la conjoncture géopolitique dans les années 30 en France, en Espagne et en Europe.

  • Sur « l’accueil » par les autorités locales et le gouvernement français de l’époque de ces milliers de réfugiés espagnols.
  • Sur la sortie des camps et l’entrée en guerre contre les allemands aux côtés des français dans l’armée et la clandestinité.
  • Sur l’organisation et les actions dans la résistance des républicains espagnols et leurs brigades de guérilléros véritable fer de lance, qui les premiers ont lutté les armes à la main contre le fascisme et le nazisme en Espagne, puis en France et ailleurs.

Je profite de l’occasion, qui m’est donnée, pour remercier tous les anciens et actuels dirigeants membres et sympathisants de notre Association qui par leurs actions et le temps passé ont œuvré et continuent de le faire à travers diverses manifestations (commémorations, colloques, articles de presse, échanges associatifs…), pour que cette période à la fois sombre et passionnante de notre histoire, de notre pays, de nos proches, ne tombe pas dans le puits sans fond de l’oubli.

Je pense à , Nuria, Marie-Hélène, Jacques, Ruben, Eléna, Lina, Pierre, Claudine, Néna, Corinne…à ceux partis sous d’autres cieux et bien d’autres. Qu’ils me pardonnent de ne pas les nommer.

P.S. Certains passages de ce texte font partie d’un livre en cours de finalisation

Abrazos